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Il y a des destinations alléchantes et qui mettent en appétit, des pays où l’on avale du kilomètre, d’autres où on grignote du terrain et ceux où l’on bouffe de la poussière, des paysages dont on se délecte et des scènes écœurantes, des rencontres délicieuses ou totalement insipides, des transports pimentés, quelquefois à vomir.

Mais quoiqu’il en soit, partir prend aux tripes comme une fringale, une impérieuse envie de fraises. Rien que l’idée fait saliver et dans l’attente chaque vagabond ronge son frein. La carte du monde est celle d’un restaurant gastronomique qui nourrit et abreuve l’imaginaire. De Grenade (Espagne) à Sucre (Bolivie) c’est une corne d’abondance. Il y a au menu des îles flottantes, des trous normands, des baies sauvages, des congolais, un pain de sucre, …

Déborah Chock - La Terre est Bleue comme une Orange

Comme la cuisine, le voyage est un art épicurien et éphémère qui se savoure et enflamme les palais. C’est chaque fois un philtre effervescent; ça fait des bulles, ça pétille, ça se dilue et se fond, ça libère sa quintessence, et puis ça se boit, sans en perdre une goutte, jusqu’à la lie… et ce n’est pas de la petite bière. Et tous les jours il s’agit de le croquer à pleines dents, d’en apprécier le piquant, d’en sucer la substantifique moelle, de s’en repaître qu’il soit doux ou épicé,… d’autant plus que le retour sera généralement amer.

Alors on y va pas avec le dos de la cuillère, c’est bombance, on se régale d’autres cultures, on s’enivre d’exotisme, on dévore tous les plats, on attaque toutes les côtes, on se pourlèche de tous les reliefs. Que le lieu soit truffé de clichés ou farci de trouvailles, rien n’est indigeste, on en redemande, et sans cesse on remet le couvert, avec gourmandise ou gloutonnerie.

Le Graal reste la saveur jamais retrouvée de la litchi malgache de l’enfance.

Illustration : © Déborah Chock – La Terre est Bleue comme une Orange