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Retourner, même en l’occurrence par hasard, dans un pays avec lequel résiste un lien ténu, un pays déjà visité et aimé, c’est un peu l’occasion pour « l’assassin de revenir sur les lieux de son crime » : la même excitation, qui est moins celle initiale de la découverte que de la recherche des particularités qui avaient générées tant d’enthousiasmes, la même spéculation concernant le plaisir de retrouvailles avec des rémanences idéalisées par le temps, l’attente fébrile et anxieuse d’un réveil des bouffées de sensations originelles, les affres d’un «déjà-vu» qui s’échappe, l’espoir que tout soit différent sans que rien n’ait vraiment changé.

Le Vietnam mérité la récidive. Comme la première fois, les villes malmènent le voyageur, l’ingurgitent et le dévorent, les plaines et rizières l’avalent, les montagnes le broient, la mer de chine méridionale le dilue, la chaleur mordante et spongieuse et la lumière acérée d’août pimentent partout le festin.

Hanoï - Vieux Quartier Hoan Kiem - Maisons TubesHanoï - Temple bouddhiste de Cau DongVietnam - Restaurant de ruePassage du train rue Phung Hung

A l’arrivée à Hanoï, le capharnaüm bilieux de la circulation dantesque, l’enchevêtrement architectural et dégoulinant des maisons-tubes, l’omniprésence anarchique, indissociable du paysage, d’entrelacs inextricables de câbles électriques, la propagande sonore dégueulante et jaune sur fond rouge, les stands de nourritures odoriférantes à tous les coins de rue et leurs petits tabourets en plastique sur tous les trottoirs encombrés (les «restos poussière»), et aussi le parfum saturé et âcre, un peu doucereux, de l’encens des autels des ancêtres rassasient instantanément la frénésie polyphage des souvenirs, harmonisent l’aigre-doux et le doux-amer dans une suavité délectable épicée de nuoc-mâm.

Les images personnelles d’une première parenthèse figée font écho à la réalité changeante d’aujourd’hui, les comparaisons pâlissent, toute crainte d’une éventuelle déception s’évapore, le calme sentiment de renouer les fils d’émotions cardinales éclipse l’euphorie inquiète qui parasitait l’esprit, le corps et la tête se reprogramment pour s’ouvrir, ressentir, et aimer à nouveau, et le dépaysement redevient une joie.

Il est temps alors de profiter de l’exubérance de ce royaume du dehors, de s’y attacher plus encore et d’aller voir les ailleurs omis lors de l’incursion précédente : le golfe du Tonkin et la baie d’Halong, les villages de pêcheurs flottants, les reliefs karstiques de Ninh Binh, les plages annamites interminables…

Vietnam - Baie d'HạLong vue d'hydravion

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