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Arrivée matinale en terre chérifienne et entrée dans Essaouira via bab Sbaa. La chambre minérale du riad restauré du XVIIIe (nommé fort à-propos Caverne d’Ali Baba) est somptueusement monacale et forcément humide en ce mois hivernal de février, des moineaux pépient et volettent dans le patio où la fontaine centrale gargouille. Un thé à la menthe accompagné de sucreries orientales s’impose (à la pâtisserie Driss, institution souirie) avant de se lancer dans les lacis tièdes de la ville.

Essaouira - Vue aérienneEssaouira - Pâtisserie Driss

La médina

Il n’est pas 10h du matin. En ses murs la médina s’ébroue tranquillement certaine qu’infailliblement elle s’agitera d’ici une heure ou deux; les ventaux bleu mogador encore majoritairement clos dessinent sur les murs blancs de l’avenue traversière Oqba Ibn Nafiaa un damier qui sera alors dissimulé sous des monceaux de tapis, des amas de cuirs ou de textiles, des alignements d’argenteries dites berbères, des fatras de marqueterie de thuya, des piles de vanneries et autres étalages de produits de l’artisanat marocain – épices, plats à tajine, huile d’argan… Un peu plus tard les musiciens de rue et leur crin-crin tourneront aux terrasses des cafés touristiques et ce sera un jeu, un pari, que d’éviter de les subir plus d’une fois dans la journée. La ville absorbe les estivants toute l’année pour en faire son quotidien et laisse sympathiquement accroire qu’elle fut et est toujours ce carrefour cosmopolite et pittoresque de commerce bariolé. Le marché alimentaire, plus autochtone, claque autant que le bazar folklorique. Essaouira hisse et affiche ses hauts en couleurs.

EssaouiraEssaouira - Marché

La kasbah

Dans la kasbah, à l’écart des deux ou trois artères boutiquières, un charme sensuel opère lors de déambulations dans les impasses étroites et les passages couverts; l’entrelacs de ses ruelles étriquées lui confèrent un degré d’intimité feutrée accentuée par les soupirs discrets d’un vent infatigable tenu à distance par les murs – même quand lépreux – et les lumières tamisées au travers de fines arcades suspendues. Musarder en se perdant vaguement au grès des couleurs calmes et des façades peintes ou mangées par l’érosion, flâner de chat errant en chat sommeillant, de portes stylées en frontons décrépis, voir en ruines, distend le temps. A certains endroits de l’enceinte nord qui protège de l’Atlantique, quelquefois, une vague plus furieuse déborde dans la citée arrosant violemment les pavés déjà disjoints. Pas beaucoup plus loin, l’ancien quartier juif dit le Mellah est quasi à l’abandon. Essaouira est belle, et triste aussi de ses splendeurs passées.

Essaouira - MédinaEssaouira - Médina - Mur peintEssaouira - Ancien quartier juifEssaouira - le Mellah

Le port

Le second cœur de la citée bat au rythme des quais sis après les fortifications de la sqala. Le port est tout à la fois un chantier naval, un marché à la criée aux retours de la pêche des barques traditionnelles bleues, un étalage des fruits de la mer vendus au détail à couvert sous des parasols fatigués lourds de sel et de fientes des goélands omniprésents. Le lieu respire, exhale et colporte un air océanique où vibrent les pleurs et railles des oiseaux marins (vos gueules les mouettes !). Ici s’entassent les nasses et casiers, là les flotteurs à pavillons. Sur la jetée les hommes préparent les lignes d’hameçons pour la prochaine sortie, le long du rempart les remailleurs ramendent les filets. Tout l’espace fleure un parfum âcre de goémon fermenté qui s’entremêle aux odeurs putréfiées des entrailles des poissons évidés sur la digue; les braseros où grillent les maquereaux juste achetés frais crépitent. L’alizé incessant propage allègrement ces effluves sans à-coup. Le port baigne dans son jus qui fouette et pue l’authentique, Essaouira se sent.

Essaouira - la Sqala du PortEssaouira - Le PortEssaouira - Sur le PortEssaouira - Sur le port

La plage et au-delà

Au pied de la citadelle 2km de sable fin s’étalent, travaillés sans relâche par le va-et-vient brusque des vagues et l’alternance des marées. Le dimanche matin au baissant les hommes tracent à la queue-leu-leu sur cette plage des dizaines de terrains de football grandeur nature qui se feront grignoter par l’eau montante et ils jouent là, tout équipés et numérotés, des matchs aussi sérieux que ceux du championnat retransmis le soir à l’emblématique Café de France. A l’extrémité de la corniche toute sorte de montures, quads, chevaux ou dromadaires placides qui regardent s’envoler les kite-surfeurs comme nos vaches passer les trains, promettent aux visiteurs de joyeuses cavalcades au bord de l’eau ou dans les dunes qui s’étendent plus au sud. Derrière icelles le village de Diabat entretient la légende qui prétend que Jimmy Hendrix s’inspira du paysage pour écrire son splendide « Castles made of sand ». Essaouira se la raconte et se réinvente.

Essaouira - PlageEssaouira - PlageEssaouira - Jimmy Hendrix

Tous les soirs le coucher de soleil d’où qu’on l’observe est une féerie d’une sérénité enveloppante. Après ça, il fait sacrément froid.

Essaouira - Coucher de soleil sur MogadorEssaouirra - Coucher de soleil sur la sqala