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Norvège - Parcours Stavanger-VossC’est à cause d’un navire ami amarré à Stavanger dans l’attente du printemps pour remonter aux Svalbard, doublé de s’en foutre de fêter le réveillon et d’une envie irrépressible de skier; c’est aussi parce que malgré le froid envisagé, une navigation hivernale au milieu du chapelets d’îles de la côte occidentale déchiquetée de Norvège est tout aussi attractive que les sommets scandinaves enneigés que, cet avant-dernier jour de l’année 2017, le trawler appareille en direction du Nord, escale prévue à Haugesund, amarrage à Bergen, destination finale les pistes alpestres de Voss.

Le nord en mer

Le cabotage c’est toujours pareil, jamais identique et chaque fois singulièrement exceptionnel. D’îles en îlots en cailloux disséminés aux embouchures des fjords du royaume et reliés par des ponts, des digues, des tunnels, des ferrys, de fermes aquacoles en installations pétrolières, de phares en balises, les heures en mer filent au rythme d’horizons cossus, d’une météo frisquette changeante et irisée, de quelques évitements de cargos, de traversiers ou de pêcheurs se faufilant sur une onde plane, de maisonnettes autant égarées que rouge de Falun caractéristique de ces parages.

C’est plein d’air et de temps liquide pour se demander comment à l’époque les vikings traçaient leur route dans ce dédale tentaculaire de canaux, détroits, isthmes et autres estuaires, ressentir la condition physique prométhéenne que devait réclamer de telles explorations dans ces contrées glaciales (imager soudain l’expression « ne pas avoir froid au yeux ») et être heureux que les drakkars modernes soient à moteur, habitables, équipés de radars, sondeurs et GPS et chauffés. A 5 heures de l’après-midi il fait nuit noire.

Norvège - Départ StavangerNorvège Escale HaugesundNorvège - Ferme aquacoleNorvege - Phare Hordaland

Le nord sur la route

A 8h du matin il fait tout aussi nuit noire. La E16 de Bergen à Voss longe tout en lacets et tunnels la rivière Vosso qui traverse les lacs Evanger et Vangs couverts d’embâcles coagulés par le gel. Chaque tournant est une rêverie où cavalcadent les âmes sœurs des chevaux du lac Ladoga. Toute l’heure et demie du trajet la brume dispute au brouillard des horizons effilochés, des cimes embusquées, des bourgs encaissés. Le froid a saisi les ruissellements qui dégringolaient les parois formant des murs congelés bardés de stalactites glacées. Chaque débouché de passage sous la roche surprend avec une nouvelle perspective plus large ou plus haute, un ciel engourdi, une transparence atone ou diaphane, une échappée lumineuse, un éclat de soleil éblouissant.

Le nord en montagne

La station de sports d’hiver de Voss surplombe un décor figé et silencieux que l’atmosphère et l’exposition moirent ou estompent, immensurable quand les nuages ouvrent une fenêtre sur des étendues aériennes où se confondent et se perdent des lointains éthérés. La météo peut changer en moins de 5 minutes et dévoiler d’autres intensités de bleus mystiques. Dans la neige fraîche pas une trace, même pas l’empreinte d’un quelconque animal ou oiseau.

Les pistes bordées de sapins sont de velours, si dépeuplées qu’en fin d’après-midi elles sont encore damées de neuf. Le plaisir des descentes est décuplé par le sentiment d’appropriation d’un territoire intact; de courbes en virages chaque inflexion exhale un écho sensuel de soie froissé; l’émotion s’harmonise, fluide, à ce murmure boréal, et le dasein (cet « Être-le-là ») signifie enfin une évidence.

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