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Les fausses pistes d’un récit

Livrer le récit de ses voyages c’est, même involontairement, adopter un prisme déformant, décider d’un angle: faire rêver le plus souvent mais décourager quelquefois. Il faut choisir d’être descriptif, anecdotique ou sensitif, savoir que pour se faire même à moitié comprendre il faudra saupoudrer d’annotations ou d’émotions personnelles des références communes, ou l’inverse, alors qu’il s’agit de dépeindre des conjonctures incomparables.

Le voyageur n’est pas un témoin, pas un spectateur, pas un observateur, pas un reporter, et le voyage ne fait pas de lui un conteur. Il n’est qu’une somme de poncifs, de curiosités et de naïvetés qui s’adonne à la nature du monde, qui s’enfièvre pour des scènes qui lui semblent frappantes au moment de son passage et réprime (ou pas) ses crispations devant d’autres fantaisies locales qui le hérissent. Il ne raconte que ce qui lui arrive à lui, lui tombe dessus, le remue. Ses interlocuteurs pensent qu’il fanfaronne alors qu’il se débat dans l’indicible.

La cocasserie ou l’agacement d’un dialogue avec un autochtone, pour signifiant qu’il est pu être, est question de vécu… quoiqu’il en soit advenu, il ne finira qu’atrophié à la narration : un simple épisode folklorique, une conversation appauvrie de toute interaction, l’évocation seulement (et pourquoi pas) d’un échange accessoire avec son épicier. Évoquer, à qui n’y a pas été, des immensités dégagées sans pareil c’est toujours se ramasser; il est si rare le talent de fournir à voir derrière l’horizon, de romancer sans mentir.

A l’heure du partage à tout-va, il y a surement plus de 99 versions pour rendre compte d’une surprise ou d’une déception de l’ailleurs qui factuellement tient en quelques mots, mais aucune jamais ne fait justice à l’importance d’en faire une histoire vivante, sans quiproquos, interprétation ni contresens, aucune qui réponde au désir de trouver les mots particuliers pour raconter ses voyages sans déperdition, pour communiquer ces intenses surplus de vie.

Alors on finit par se taire, ou par écrire, ou par prendre des photos…


Telling travels: an exercise in style

Delivering the account of one’s travels is, even unintentionally, adopting a distorting prism and deciding of an angle : making people dream frequently but sometimes discouraging. You could choose to be descriptive, anecdotal or sensitive, knowing that, to get even half an understanding, you will have to sprinkle the common references with some annotations or personal emotions or vice versa when it comes to portraying incomparable circumstances.

The traveler is not a witness, not a spectator, not an observer, not a reporter, and the trip does not make him a storyteller. He is a sum of cliches, curiosities and naivety who is involved in the nature of the world, who feverish for scenes that seem striking at the time of its passage and represses (or not) its tensions to other local fantasies which make him angry. He only tells what happens to him, falls on him, make him move. His interlocutors believe that he’s boastful as he struggles with the unspeakable.

The comical or annoyance of a dialogue with a native, as meaningful as it has been, is a matter of life … what ever happened then, the story will finish atrophied through a narration: a simple folk episode, an impoverished conversation without any interaction, only evocative (and why not) of an exchange with his grocer. Mentionning, to who wasn’t there, unparalleled released immensity is always hazardous; the talents to provide a glimpse behind the horizon, to romanticize without lying, are so rare.

On this time of all sharing, there is probably more than 99 versions to account for a far surprise or disappointment which factually can be told in a few words, but none ever does justice to the importance of making a living history without misunderstandings or misinterpretations, none which meet the incredible need to find the right words to tell travels without loss, to communicate these intense life overflow.

So we end up shutting up, or writing, or taking pictures.