À cinq heure du matin à l’aéroport d’Ivato, c’est douze porteurs clandestins matinaux (les officiels pas encore à l’œuvre portent gilets verts) qui se chamaillent pour trimbaler le moindre bagage sur les cinquante mètres qui mènent à l’enregistrement pas ouvert; embrouille assurée qui à cette heure nocturne se règle avec une cigarette pour dix.

Atterrissage trois heure plus tard à Diégo Suarez (que personne n’appelle de son nouveau nom Antsiranana). Ici les taxis 4L sont jaunes canari dûment numérotés : la localité est sillonnée d’un ballet incessant de triporteurs (taxis collectifs) de la même couleur qui annoncent fièrement leur tarif en anciens francs malgache (soit 5 fois le montant de l’Ariary) et on croise quelques pousse-pousses vivement colorés. Après Tananarive, la ville fait figure de pimpante villégiature toute en maisons d’un étage roses, vertes, bleues ou délabrées au soleil cru.

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Les écoliers en uniforme -souvent limité à une blouse de couleur dédiée ou à un T-shirt logotypé quand l’établissement est privé, descendent la rue Colbert, artère principale qui a le charme désuet des photochromes oxydés ; elle s’enorgueillit d’un « Grand Hôtel » incarnat très nanti (piscine, pâtisserie, casino et conversations coloniales compris) qui complète le cliché –et accessoirement fait du très bon café – et d’un supermarché Scope dont le slogan est « nos prix c’est la vie », et finie par déboucher sur la mer d’abord au travers la ruine de l’ex hôtel de la marine.

Depuis le haut de la place Joffre, le spectacle de l’activité portuaire est caniculaire et la chaleur est tout aussi accablante tout au long du quartier militaire qui récence quelques grosses bâtisses administratives surplombées de noms tous toujours plus longs et ronflants les uns que les autres et gardées par un factionnaire dolent.

Au sud-est de la ville le Bazary Be, grand marché de tout, est conforme au poème attendu: pas un blanc dans les allées de parasols et les stands bringuebalants mais des balais, des pommes, des citrons, du riz, de la viande suspendue et débitée directement sur les planches en bois disjointes de l’échoppe, du poisson, des poulets qui s’éparpillent… pas vu de hareng saur ; Jacques Prévert en eut perdu son latin.

Diégo est définitivement une ville qui fait regretter de n’être pas cinéaste.

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A la poste, pour donner toutes leurs chances aux cartes postales, il faut, avant de les mettre dans la boîte, faire la queue pour faire tamponner ses timbres conformément collés.

Spéciale dédicace à Louis et Flo et aux autres rencontres avec lesquels il fut fort agréable de paresser sous la varangue du « Petit paradis » en ne refaisant pas le monde mais en y contribuant…