À l’adolescence, à Dakar, ville de palabres, l’invention d’un accrochage anodin avec un taxi pouvait servir d’alibi pour une journée entière d’absence au lycée français. Gorée était alors un fabuleux point de chute et de fuite pour ces écoles buissonnières paresseuses, aussi clandestines qu’innocentes. La jubilation n’était pas moindre en s’y réfugiant cette fois-ci en vacances comme à l’époque en escapade.

Gorée majeur

A quelques brasses de la démentielle capitale sénégalaise, les rotations de chaloupes déversent quotidiennement des contingents de scolaires et de touristes qui sans passer par la case Dakar débarquent en provenance directe de la Petite Côte sur ce confetti exclusivement piéton. Les visites forfaitaires y incluent au pas de courses la maison dite « aux esclaves », le baobab au milieu du terrain de foot de la Place du gouvernement, une architecture coloniale annoncée sauvegardée, les canons du Castel pour les plus téméraires et retour.  C’est une chouette excursion, complètement déconnectée de la substance actuelle du lieu mais excusée par le devoir de mémoire rendu à la traite négrière.

Gorée - DébarcadèreGorée - Maison aux esclavesGorée - Baobab au milieu du terrain de footGorée - Canons du Castel

Gorée en accords

Mais c’est l’atmosphère flegmatique, douce et colorée, des ruelles pavées étroites et ombragées qui sied le mieux à l’évocation des passé et présent communs. Des grappes de bougainvillées panachées de fleurs violettes, roses, orange, jaunes dégueulent joliment des hautes façades sobres, à volets persiennés et quelquefois flanquées de balcons de bois. Ces murs lourds, dans tous les tons d’ocres, dissimulent les patios secrets des habitations métisses à un étage. II y a une foule de détails, de « choses » à voir, à acheter aussi… Gorée ne vit que du commerce et du tourisme  Des artistes et artisans de tout acabit et disciplines ont investis avec plus ou moins de bonheur les espaces disponibles, certains vivent ou ont installé leurs ateliers sous le bunker rouillé du castel.

Gorée - Façades colonialesGorée - Ruelle fleurieGorée - ÉchoppeGorée - Patchwork de wax

Gorée, mi fa sol

Malgré ses atouts et atours, Gorée reste fragile et menacée, par l’érosion, les opulentes maisons secondaires restaurées qui occultent la décrépitude des bâtiments autochtones, les ruines dangereuses squattées, la « muséeification » de l’île.

Ici tous les résidents se connaissent et se côtoient apparemment en paix. Les insulaires font ce qu’ils peuvent pour conserver une ambiance et un mode de vie qu’ils ne retrouvent vraiment qu’une fois que le dernier traversier qui cadence les jours à ramené les ceux d’ici qui travaillent sur le continent et est reparti avec les derniers visiteurs. Et alors, aux heures fraîches et jusqu’au lendemain matin, il est possible d’entendre le vent reprendre haleine, la mer s’ébrouer et la vie se mettre au diapason de ces rythmes.

Gorée - "Terrasse" du Palais du gouverneur