Sun
Les jours de très beau temps quand le soleil culmine et tape fort et pour peu qu’il y ait un peu de vent, le lac Retba est rose et c’est beau, un tantinet surnaturel, totalement bizarre. Ce jour là (mi mai 2018) où toutes les conditions sont réunies le rose est plutôt orangé, saumon, corail, guimauve, violacé, soutenu – encore plus derrière des lunettes polarisées – sanguin, à vif, quasi fluorescent, moins saturé que sur les photos toujours retouchées mais plus nuancé que le souvenir et plus rose que son avenir.
Sel
Non content d’être flamboyant le lac rose est aussi salé, très, plus que la mer morte, trop, tant et tant qu’il est corrosif à en poncer la peau, attaquer le nez et brûler les yeux rien qu’à le regarder.
Dans cette eau terriblement caustique les forçats de l’or blanc, saisonniers allogènes venus de Guinée ou du Mali, pataugent à mi-corps et inlassablement cassent au bâton la croûte épaisse de sel immergée, trifouillent et raclent le fond, remplissent avec leurs pieds des tamis qu’ils remontent pesants comme un âne mort et les déversent dans une des barques louées aux locaux; chaque pirogue supporte sans sombrer jusqu’à une tonne de ces grains détrempés. Près des pneus qui font office de débarcadères des trous en surface puisent dans la nappe phréatique d’eau douce qui est à fleur de… sol; les sauniers s’y rincent abondamment au sortir de la lagune chaude et visqueuse. Sur la rive sud les tas numérotés de cristaux récoltés blanchissent au soleil avant d’être ensachés à la pelle pour être emporter par camions dans la sous-région et jusqu’en Europe. Plus artisanal tu meurs.
Face à des contingences aussi prosaïques des campements et hôtels à piscines ont récemment poussé sur les berges nord où s’amuser à barboter au bord de la lagune et y flotter comme un bouchon de liège et se restaurer et boire une bière au prix du salaire mensuel des femmes qui de l’autre coté déchargent les barques à coup bassines de 30 kilos portées sur leur tête.
Sea
L’océan Atlantique qui alimente le lac n’est qu’à 1/2 heure de marche dans les dunes. Là, la mer est forte, les rouleaux se succèdent, les baïnes sont dangereuses et les courants traîtres.
Sur la plage immense et déserte, et qui s’étire jusqu’à la capitale, des 4×4 jaunes, logo-typés au touareg du désormais délocalisé rallye Paris-Dakar, baladent les quelques visiteurs qui imaginent éprouver le temps d’une courte excursion les émotions du raid qui fit la réputation du lieu en y terminant en fanfare. L’effervescence de cet implacable tintamarre annuel s’est dissoute dans le vent inflexible qui fouette la côte, la fête est finie, le littoral respire.
Infos pratiques : Pour aller en bus de Dakar à Retba prendre le bus Dem Dikk 16A jusqu’à Malika puis le bus Tata 73 jusqu’au terminus Lac Rose.
