« Dès l’abord en ces lieux, un dieu même aurait eu les yeux charmés et l’âme ravie. »
L’Odyssée – Homère

Chili - Valparaiso / Le PortValparaiso n’est pas un parage qui se raconte, c’est un secret de marins, de cap-horniers, un havre, l’île de Calypso où l’enchantement le dispute à l’invitation au voyage, une escale qui retient, un repaire, un repère, une rade de cols-bleus, de migrants, de colons, de passages désordonnés, haute en couleurs jusque dans ses bas-fonds, une beauté sulfureuse, chaotique, un port réjouissant qui essaye d’oublier que l’ouverture du canal de Panama le ruina, et souffre et s’essouffle contre le vent de l’océan.

Ce refuge est une histoire qui se lit à ville ouverte, tatouée, peinturée sur ses façades de tôles ondulées −elles lestaient les navires de charge pour franchir le cap des tempêtes− dispersées sur les plus de 40 cerros (collines) qui enclosent la baie, vue sur le Pacifique. Les buttes sont hautes, les dénivelés escarpés et les funiculaires (appelés “ascensores”) en grève, mais les innombrables escaliers sont bariolés, les murs couverts de fresques braques, de tags, graffitis et pochoirs, et les grimpettes au milieu des maisons en bois, dans des venelles et traboules serpentines  −majoritairement non accessibles aux camions de pompiers (les bomberos, tous volontaires)*− font de jolies lectures de messages poétiques, d’appels revendicatifs, de déclarations allégoriques.

Chili - Valparaiso / Funiculaire d’ArtilleríaChili - Valparaiso / Casa Quatro VientosChili - ValparaisoChili - Valparaiso / Cerro ArtilleriaChili- Valparaiso / El plan - Trolleybus

Toute la ville s’exprime aujourd’hui et relate hier. “La Sebastiana”, adresse vitrée et fantasque de Pablo Neruda dans les années 1960, rappelle cet homme et son pays, le “musée naval et maritime” retrace les batailles navales de l’Armada chilienne, la place Sotomayor rend hommage aux héros d’Iquique, morts lors de la guerre du Pacifique, les vieilles demeures délaissées et les bâtiments massifs de la partie basse de la ville (le “Plan”) suggèrent les marchands du 19ème venus de Hambourg, Rotterdam, Nantes ou d’ailleurs et les tavernes rappellent les bordées de mariniers du temps des baleiniers.

A 10 kilomètres de là, Viña del Mar est à Valparaiso ce qu’une tapineuse est à une geisha. La station balnéaire étale ses plages seventies tapageuses et son casino suranné et ne vaut que pour le marché des pêcheurs de Caleta Portales, assiégé de lions de mer, de mouettes et de pélicans.

Chili - Viña del Mar / Caleta PortalesChili - Viña del Mar / Caleta Portales

*En avril 2014, un incendie gigantesque à ravagé Valparaiso, réduit en cendres 2500 maisons et laissé 11000 porteños sans abri.