Varanasi1Descendre en avion de la montagne, faire un peu d’ethnologie sauvage en milieu nanti en cours de transit à l’aéroport de Delhi, atterrir au milieu des rickshaws à celui de Varanasi, parcourir les 20 km de semi-cambrousse, jusqu’à la cité – le marché musulman d’abord, puis indien – et à la borne qui par la force de l’étroitesse des rues limite une zone mathématiquement piétonne (les vaches; chèvres, motos, charrettes, … sont considérées comme bipèdes) et après labyrinthe, sac au dos, surplomber le quartier ancien de Chowk et les ghats tant rapportés de la lumineuse.

L’urbanisme des berges procède du Tétris 3D versicolore mal emboîté, sur les rives c’est un décalquage de Jérôme Bosch, sur l’eau un continuum d’objets flottant non identifiés. Cette ville suinte, exhale, embaume, se répand en un torrent, un bouillon, … Le Gange enfin : terreux, olivâtre, cendreux, compact : le bréviaire de l’Inde, toute entière agglomérée dans ces effusions lourdes. Là, tout n’est que feu et frénésie, désordre, chaos et énergie; de l’entropie à son apothéose.

Varanasi3

Tout les soirs, un puja presse ensemble et partout, en une multitude saturée, les brahmanes, les adorateurs, les marchands d’offrandes, et les visiteurs pour une cérémonie incandescente d’hommage au fleuve : face à une foule innombrable de boat-people entassés qui allument et font flotter les bougies de leurs vœux au milieu des nénuphars, le rituel sacré ondule au cycle rythmique d’une musique hypnotisante à force d’être répétitive.

Varanasi4

Peut-être parce-qu’en fin de parcours indien, Varanasi n’est ni un choc, ni un désenchantement, ni une extase: juste une ville congestionnée, noyée, élimée, gonflée de gaz de putréfaction, pullulante, déliquescente, … une ville de palais et splendeurs passés devenue capharnaüm asphyxié, exhibant crânement à l’air vicié d’un feu qui ne s’éteint jamais tout ce qui lui appartient de vivant, d’agonisant et de mort.