Au bout de deux mois d’hiver à Tanger aucune curiosité ne s’émousse. Le rythme indigène où rien ne bouge vraiment avant 10 heures du matin, qui s’ébroue vers 18 heures, s’anime à 19 et s’enfièvre à 20, devient un nouveau tempo musard, et le flegme une seconde nature. Plus le temps se dissipe plus la ville est difficile à résumer. Elle est de celles qui réclament une acclimatation et d’être apprivoisée. Comme prévu, écumer à toutes heures ses cafés emblématiques*, y paresser, lire, bosser, regarder le monde et la vie passer, s’y éterniser sans se presser, fait partie de l’adaptation, de l’adoption en tant qu’étranger privilégié.

Tanger - Place Du Petit Socco

Le premier appel du muezzin (vers 6h30) s’inscrit sans les déranger dans les rêves du réveil. Le « comme d’habitude » de l’épicier d’en face qui fournit chaque jour le pain au chocolat du petit déjeuner est une reconnaissance qui lui vaut une gratitude infinie. C’est réjouissant comme se délocaliser ré-apprend à écouter, à regarder, à sentir, à déporter ses attentions, à faire que le quotidien même le plus banal redevienne un régal (même si quelquefois déconcertant). Entre autres, aller au cinéma voir des films émirati en arabe sous-titré anglais ou l’inverse, ne (presque) pas se lasser du tajine, raffoler du batbout à peu près autant que de la baguette,… sont autant des révélations que de nouvelles routines. Et même si, quel que soit le chemin emprunté pour rentrer, les allers retours réguliers jusqu’aux hauteurs de la casbah sont tuants, avec optimisme ils galbent les cuisses.

Le vent d’Est (le chergui), frisquet à cette époque, s’est joint à la partie et, au dépend des humains qui y caillent, cède les terrasses et balcons au seul linge ravi d’y sécher en plein air au milieu des cactus, palmiers, antennes et paraboles. Ici soit la vue est imprenable depuis les toits soit il faut marcher le nez en l’air. Annuellement en ce mois de février chacun ravale et repeint ses façades après les pluies et leurs humidités moisissantes et la médina est bientôt quasi pimpante avant le printemps.

Jeudi et dimanche sont jours de marché, le vendredi reste saint (et il y a du couscous aux menus des boui-boui) et le samedi celui des légions d’excursionnistes culturels espagnols qui débarquent par contingents des ferry du jour (et ce jour là les charmeurs de serpents sont du coup de sortie).

Les weekends sont désormais l’occasion de faire un peu de tourisme dans les parages histoire de faire croire en métropole que le temps n’est pas trop occupé quand on travaille à distance et que profiter du séjour ne se résume pas à lézarder au soleil. Découvrir les autres horizons et couleurs de la région, se rappeler que les alentours sont tout autant côtiers que montagnards, en apprendre plus sur le Rif (y croiser les dernières neiges), les cultures maraîchères (les fraises que l’on retrouve sur les étals des souks à 50 cts d’€ le kilo, comme le cannabis qui lui vous trouve), ainsi que sur la ruralité chérifienne sont des parenthèses récréatives et enchanteresses …

Tanger - Cap SpartelTanger - Phare du Cap SpartelTanger - Playa BlancaTanger - Zinat : Barrage Ibn BattutaTanger - Route de Tisemlale

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* Cités à jute titre dans le moindre guide qui se respecte : Le café Hafa, le café Baba, le café du cinéma Rif, le Gran café de Paris, la terrasse de l’hôtel Continental, …