Descente du MékongLe Mékong presque longe le Laos dans toute sa hauteur. Il est donc naturel d’emprunter cette royale voie fluviale pour visiter ce pays. Deux jours sont nécessaires pour descendre de Huay Xai à Luang Prabang à bord d’une espèce de longue et fine prame bruyamment motorisée, « aménagée » avec des sièges de bus.

C’est deux jours de rien, identiques, imperturbables : le Mékong est sanguin, tourbillonnant, mousseux, la jungle sur les deux rives est sombre, étouffante, irréductible, la barcasse ronronne et serpente à fleur d’eau et ouvre l’air immobile telle une hydre vrombissante. C’est deux jours de tout, protéiformes : c’est se prendre pour le crabe tambour, scruter une muraille végétale insondable à la recherche d’un Tarzan à défaut d’un ennemi, deviner les villages invisibles aux barques arrimées à la mangrove, imaginer la vie des pêcheurs croisés, des locaux débarqués à des pontons sommaires et qui disparaissent vite, happés, engloutis par la verdure, admirer le travail des éléphants aperçus dans une clairière inattendue, … C’est deux jours d’écoutes des borborygmes du fleuve, des craquements, croassements, barrissements, sifflements, chuintements et de tous ces autres sons d’une forêt aux airs fossiles, mais qui pousse et croît presque à vue d’oeil, filandreuse, solide, arachnéenne.

Au Laos, certains hommes de plus ou moins une cinquantaine d’années, ont un numéro à cinq chiffres tatoué à l’intérieur de leur avant bras.

Luang PrabangLuang PrabangLuang Prabang

Luang Prabang est plus que pittoresque, cinématographique : des maisons en bois sombres à un étage en balcon, environnées de ramures fleuries, un décor colonial quelquefois un peu guindé, une ambiance de délassement classieux d’officiers (2 voitures anciennes rutilantes devant le poste de police), d’élégante nonchalance, de moines zen irradiants au soleil, de flâneries au marché nocturne bariolé (exclusivement touristique), du choix d’un dîner stylé de cénacle ou sans-façon aux barbecues des échoppes surchargées de brochettes, beignets et samosas, …
Luang PrabangLe temps semble parfois arrêté aux heures de l’Indochine chapeautée et gantée des films en panoramique.

Alentours tout est paysages et lumières à perte de vue : routes, pistes, cours d’eau, cascades, villages, cultures maraîchères, ethnies et temples dorés dissimulés derrière des chemins à peine carrossables… Le Laos tout entier reprend ses droits et les célébre en une pyrotechnie flamboyante…
Au matin du départ, comme un couronnement ou un adieu, le ciel ajoutera à toute cette exubérance un de ces déluges cataclysmiques dont seule la mousson a le lourd secret.