Taxi Brousse MadagascarLe taxi-brousse c’est une école de l’humilité et de la réalité malgache qui commence dès la décision (ou la contrainte) d’en prendre un.

Il faut d’abord trouver la gare routière qui n’est évidemment pas indiquée et de préférence noyée dans le souk le plus bordélique qui soit: c’est toujours une espèce de terrain vague, genre Beyrouth fin de guerre civile, d’où surgissent, carnassiers, les combattants, et faméliques les gamins des rues… Des fourgons croulants, déliquescents et rubigineux, déjà blindés, masquent les guitounes des différentes « coopératives de transport », quelquefois la direction assurée par icelles est indiqué au blanc sur le pare-brise de l’engin parqué devant (ce qui n’est pas une garantie puisque ce n’est sans doute pas celui là qui roulera).

Ça n’a pas que l’air d’un champs de bataille et c’est organisé comme tel : les sentinelles sifflent l’arrivée du volontaire (qui a intérêt à avoir fourbi ses armes), les rabatteurs aux avant-postes se chargent des premières salves afin de le brusquer jusqu’au pré carré de son sergent recruteur, l’intendance (de qui, de quoi?) se saisi de son barda si par mégarde il était dans le coffre de l’estafette, un supérieur brandit un carnet à souches, et avant même que quiconque ait idée de la destination finale de l’autrefois fringuant  belligérant maintenant encerclé, le voilà assujetti à payer, signer, tamponner, autoriser le conducteur, qui n’est pas là mais qui connait son métier, à le transporter d’ici à là-bas sans autre assurance. La ruse consiste à passer la veille ou le matin tôt, les mains vides, pour réserver (et négocier) sa place (forcément celle devant à coté du chauffeur – leçon apprise au prix d’un dos cassé – voir, en province, qu’il passe prendre le sioux à son hôtel sur le départ).

TaxiBrousse2De toute façon l’embringué attendra (éventuellement en plein cagnard) – et s’il na pas été prévoyant, de préférence campé à la place qui lui a été attribuée, histoire d’en préserver quelque interstice vital – que la patache se remplisse jusqu’à la lie tant dedans qu’au dessus. Des bidons et planches serviront de strapontins, ce qui est tout à fait illusoire vu qu’un rang de trois sièges défoncés accueillera au bas mot cinq ou six personnes plus ou moins corpulentes (les enfants, les poulets et les canards ne comptent pas mais sont bien dans l’habitacle aussi).

Quand tout ça se mettra en branle ce sera de toute façon pour s’arrêter à la première station service où les généreuses émanations d’essence colleront un mal de crâne, si ce n’est un bord de malaise, au déjà de moins en moins sémillant passager.