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Dans ce Vietnam immémorial qui vit de la riziculture en terrains inondés, cette civilisation qui honore une déesse des Nuages et ses trois sœurs, respectivement déesses de la Pluie, du Tonnerre et la benjamine, de l’Éclair, l’eau pluviale est plus omniprésente qu’une infiltration qui aurait dégénérée. Été comme hiver, alternativement, des brumes de précipitations ou d’évaporation imbibent l’atmosphère et l’air est toujours humide ou ruisselant. D’ondées en déluges, de ruisseaux en rivières, d’étangs en lacs, de fleuves en torrents, d’affluents en confluents, de deltas à la mer, les sols sont irrigués, rassasiés, saturés, submergés, trempés jusqu’aux os et dégorgent.

Tam-Coc Bungalow

A Tam Coc (qui signifierait 3 grottes), à l’intérieur des terres de la province de Ninh Bình, la rivière Ngo Dong contourne, s’insinue, serpente, se faufile, autour de pics karstiques dressés crânement en plein marécage comme autant de Boudu sauvés des eaux, et y creuse des passages naturels des plafonds desquels suintent indéfiniment des stalactites de calcite. Dans ce canyon aquatique et escarpé glissent en silence cadencé des bateaux à fond plat, puissamment mû à la manière Dao (les rameurs canotent avec les pieds).

Aux heures d’arrivées quotidiennes des bus touristiques venant d’Hanoï pour la journée, des femmes protégées sous des pépins colorés souquent ferme pour promener en ribambelle les visiteurs du jour affublés de gilets fluorescents, et chaque défilé pique de taches vives cet univers vert et anthracite. Vue des berges, la parade crée une eurythmie pointilliste mystérieuse de mouvements amples réverbérés et répercutés par les parois sur les flots. Le matin et en soirée, les lumières en pente adoucissent les contrastes, éteignent les échos et arrangent une intimité abritée de presque cocon. Les pêcheurs à la lampe réinvestissent alors les lieux.

Tam Coc - RameurTam Coc - RiverTam Coc - RiverTam Coc - Coucher de soleil

Du raz de l’onde à bord des sampans graciles comme du sommet des 486 marches irrégulières de Hang Mua, le paysage est une exhortation au surnaturel, une invitation au mythe, une fabrique à légendes – le peuple vietnamien descendrait d’un dragon et d’une fée, lui lié à la mer et elle à la montagne et l’air. C’est comme un bouillon de culture primitif tapissé de nénuphars où puiser des histoires de début du monde, de villes pétrifiées englouties, de monstres fantastiques. Les temples et pagodes alentours ne racontent rien d’autre.

Tam Coc - Bich Dong PagodaTam Coc - Dragon au pied de l'escalier de Hang-MuaTam Coc - Vue de Hang Mua