Saint-Louis du Sénégal côté cour

Après des heures de route plus ou moins éprouvantes on arrive forcément à Saint-Louis du Sénégal par le Grand Sor (partie continentale de la ville) jusqu’en face des sept arches du pont Faidherbe, cordon ombilical qui franchit le fleuve Sénégal et connecte l’île à sa patrie. La descente au milieu des taxis jaunes dure le temps d’une illusion new-yorkaise immédiatement dissipée à l’atterrissage de l’autre coté. La perle du fleuve, délicatement égarée à son embouchure, entre ses deux bras, nichée entre air, terre et mer du delta, affiche des pastels tendres, fondants et veloutés, endosse fièrement ses oripeaux d’ancien comptoir commercial (après avoir été de traite des esclaves) et assume la magnificence de sa décomposition.

Saint-Louis du Sénégal - Grand Sor: mur peintSaint-Louis du Sénégal - Grand SorSaint-Louis du Sénégal - Pont FaidherbeSaint-Louis du Sénégal - Pont Faidherbe : Taxi

Saint-Louis du Sénégal côté jardin

L’urbanisme quadrillé, l’architecture coloniale participent à une ambivalente mélancolie, un exotisme patiné par les rappels aux légendes et pilotes de l’aéropostales des années 301 qui avait ici leur chambre attitrée à l’hôtel de la poste. Hors les hôtels restaurés et les bâtiments réhabilités éclaboussés de dégringolades de bougainvilliers roses, les façades de chaux colorées, pèlent et décrépissent lentement, investies par les accrochages en plein air des nombreuses galeries et ateliers d’art métissé du quartier Nord (historiquement musulman, les chrétiens s’étaient eux implantés au sud).

Les rues provinciales ensablées de l’île dégagent cette fausse nonchalance prêtée aux zones tropicales, une intimé molle et confortable s’infiltre tout au long des balcons, tout respire dans une sorte d’inertie silencieuse a peine dérangée par les chèvres négligemment attachées aux murs de leur propriétaire. Les lumières de fin de journée nimbent l’ensemble d’un hale éphémère. Il fait autre chose que bon, il fait beau et doux et câlin, il fait nostalgie et vague à l’âme.

Saint-Louis du Sénégal - Hotel du PalaisSaint-Louis du Sénégal - Art & artisanatSaint-Louis du SénégalSaint-Louis du Sénégal : BougainvillierSaint-Louis du Sénégal - Grande mosquéeSaint-Louis du Sénégal - Fin de journée

Saint-Louis du Sénégal côté cœur

L’amertume est plus mordante du coté du village des pêcheurs (Guet N’dar) installé à fleur d’eau sur la langue de Barbarie sablonneuse, barrière naturelle fragile et malmenée coincée entre le fleuve et l’atlantique, et qui sépare (et protège) l’estuaire et le quartier insulaire historique des assauts houleux de l’océan. L’érosion côtière effrite ce cordon littoral surpeuplé et la remontée des eaux marines ne cesse de ravager les habitations, maisons en dur comme baraques bringuebalantes, de ce territoire coutumier.

Un pullulement humain incroyable, communautaire, bigarré, grouille tant, entièrement avec autour et pour la pêche, que cela en est intimidant. Le va et vient des pirogues bariolées, le poisson rapporté immédiatement éviscéré, séché et fumé par les femmes « transformatrices » sur la rive, l’insalubrité crasse, les exhalaisons iodées pestilentielles qui solidifient l’espace où courent des enfants farceurs sur des monceaux de déchets sont autant poisse que mouise. L’eau saline partout s’insinue et imprègne tout, les populations Lébous tentent de s’adapter, certains capitaines deviennent passeurs. Le quotidien, l’authentique, le typiquement local, prouve une fois encore son âpreté dérangeante,

Saint-Louis du Sénégal - Retour de la pêcheSaint-Louis du Sénégal - Guet N'dar : plage

Saint-Louis du Sénégal côté ciel

A une vingtaine de kilomètres au sud, sur une partie détachée par la brèche de la langue de Barbarie, une réserve ornithologique2 accueille le temps de la nidification (de mai à octobre) des milliers d’oiseaux migrateurs. En saison les tortues marines viennent aussi y pondre. L’embarcadère est effondré, la pirogue lutte contre les courants. En ce début d’avril, pélicans, cormorans, hérons, aigrettes et différentes sternes se disputent les bancs de sable et les filaos qui fixent les dunes. Chaque envol est un ballet au vent fort, évocateur d’ailleurs, de cet autre coté supputé par ici meilleur.

Saint-Louis du Sénégal - Parc de la langue de BarbarieSaint-Louis du Sénégal - île aux oiseaux

1 Le 10 mai 1927, Jean Mermoz inaugura la ligne Toulouse-Saint-Louis du Sénégal sans escale.
2 Parc national de la Langue de Barbarie