Fin novembre, c’est l’été à Rio de Janeiro… sauf qu’il pleut sévère et qu’il pleuvra les 4 jours du séjour passé installé sur les hauteurs de Santa Teresa, au milieu des bananiers, au sommet de la pacifique favela de Pereira da Silva, vue imprenable sur le pain de sucre et l’entrée de la baie de Guanabara. De là, l’accès au reste de la ville descend des centaines de marches et de raidillons de tout acabit, populaires, incartographiables, dévalés en skateboard par les enfants, escaladés en première par les motos taxis.
Jusqu’au pied de la colline, la balade traverse ensuite Laranjeiras ou Lapa, quartiers en lacets, cossus, encore très « demeures 19ème », des boutiques vintages sans prétention, une ambiance bohème arty, une feijoada le samedi au milieu des cariocas réunis dans un bistroquet bondé et les 215 marches de l’escalier Selarón. A plat enfin, Rio de Janeiro Centro est un autre univers qui semble avoir grandi et croître toujours trop vite; tout est disparate, comme de bric et de broc, des strates de modes, de goûts, d’histoires et de nécessités architecturales écrasent sous des immeubles modernistes des styles coloniaux ou haussmanniens dont l’opéra, l’église São Francisco de Paula et le cabinet royal portugais de lecture sont de vénérables reliquats (en plus d’être des abris somptueux, pluie oblige). Le bazar Saara, haut lieu piéton de fanfreluches chinoises bon marché (particulièrement en cette période avant Noël), occupe avec foule et gaieté le cœur du vieux centre historique colonial.
La ville, sur cette face là, c’est une déambulation dans le sillon altéré d’un 78 tours qui ne joue pas tout à fait à la bonne vitesse sur un phonographe dernier cri, c’est un bruit de surface, une imprécision de lecture, avec une résonance authentique, une acoustique touchante, des modulations de majeur en mineur. Chaque quartier est un mouvement, un nouveau morceau, et quelquefois de bravoure, avec une profondeur, un souffle… et la pluie en guise de craquements.
Face B le sillon déroule dans une brume épaisse, via la forêt atlantique de Tijuca, douze kilomètres de marche jusqu’en haut du Corcovado où le Christ rédempteur attend, en point d’orgue, à bras grand ouverts, de clore au dessus des nuages cette symphonie majeure qui fait frissonner.