Partir au long cours c’était obscurément se prendre pour un héros solitaire, intrépide et sauvage. Revenir c’est devoir endosser le rôle, l’accepter, le vivre malgré que le voyage n’ait ni été particulièrement épique ni n’ait changé la face du monde. Retourner à l’ordinaire c’est se comporter comme un imposteur : mal répondre aux presque pénibles curiosités, légitimes mais décalées, laisser planer des fantasmagories faute de pouvoir partager ses mirages, ne pas exprimer d’étonnement aux étrangetés retrouvées.
Comment n’être plus ailleurs fait écho à la délectation d’être chez soi, d’y perdre encore secrètement du temps à chercher une trace de ce quelque chose qui n’est pas comme avant (qui ne devrait pas être comme avant), juste pour être sur que toutes ces il était une fois dans un pays fort lointain ne furent pas que poudre d’escampette ou de perlimpinpin déposée ici en fines couches sans empreinte (vouloir faire mentir, au moins provisoirement, la Genèse – « tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière »).
Rejoindre là-dedans son ombre négligée et s’y couler derechef sans effort, c’est passer de l’absence à l’oubli, glisser de l’égoïsme à l’abnégation, jouer le jeu, s’efforcer à la contorsion pour bien se ranger, se replier sur soi, se rentrer dedans; c’est l’accident sans dommage de fin de route, celui qui nécessite une lente et joyeuse convalescence avant de se reconnaître à nouveau dans son environnement, d’être autre qu’un revenant.
Ce que tu décris, je l’ai vécu en 2008 lorsque je suis rentrée de 12 mois en Amérique Centrale et du Sud. C’est surprenant, et presque décevant de voir comment la vie ici prend vite le dessus sur celle que nous avons menée là-bas. Je pense que l’idée de faire un blog, comme dans ton cas (ce qui fut le mien aussi) est génial. Non seulement on aura partagé notre vécu sur le moment mais on l’aura aussi fige pour pouvoir s’y attarder à chaque fois que nous en aurons envie (moi, au détour d’un moment de nostalgie). Les souvenirs sont le meilleur des sacs à dos. Et de toutes façons, si tu aimes voyager, tu ne t’arrêteras pas là, n’est-ce pas?
Ce qui est le plus déboussolant en fait c’est que si la soif (le besoin) de voyage ne m’a pas quitté, loin de là !, je ne sais plus trop de quelle manière j’ai désormais envie de partir… mais ça fait son chemin 🙂
Tiens tiens! J’ai commencé la même réflexion que toi il y a maintenant deux ans! Et je t’avoue que, si bien j’ai trouvé les destinations, toujours pas décidé sous quelle forme, car à deux c’est un peu plus compliqué!