A Jodhpur, la ville bleue, les maisons sont donc bleues (il parait que ça refoule les moustiques) et c’est joli, vu dans son ensemble depuis la citadelle Mehrangarh qui domine la ville comme inventorié unitairement de près, et surtout dans les rues qui montent à la dite monumentale place forte. Ceci étant dit et longuement visité, le tour est fait, maisons ayant fait un autre choix de couleur et pullulants marchés du quartier de l’horloge compris.

A 5 heures du matin, la gare de Jodhpur ressemble à celle d’Atlanta dans « Autant en emporte le vent » avec ces hommes couchés à perte de vue à même le sol.

A Jaisalmer, la ville dorée, les maisons de grès jaune (surtout les havelis du fort qui est cette fois habité) sont ocres; au delà de l’enceinte des demeures en dentelles de pierre exposent leurs moucharabiehs et extra-muros, jusqu’à la frontière pakistanaise -à environ 150 kilomètres de là, s’étend le désert du Thar. Du rempart de la forteresse, chacun peut se prendre au choix, pour Giovanni Drogo qui scrute et attend l’attaque du royaume du Nord ou pour sœur Anne qui ne voit que le soleil qui poudroie.

JodhpurJaisalmerDesert Du Thar

Et comme rien ne vient ni ne viendra, et que le désert appelle autant que le vide, il est temps d’y aller voir. A dos de dromadaires dociles, chargés du matériel de bivouac (paillots et couvertures, batterie de cuisine, eau, farine, légumes, lait, thé…) conduits par Mehaktar, il s’agit de traverser, au rythme placide de l’animal, une steppe clairsemée, hérissée de centaines d’éoliennes, jusqu’aux dunes de sable où hommes et bêtes s’installeront pour la nuit.

Desert Du Thar - Préparation repasIl fait au bas mot 45 degrés et l’ombre de l’acacia (?), qui accueille la caravane pour le déjeuner et la sieste sans fin, est déjà pas mal occupée par un troupeau de chèvres. Les camélidés sont délestés et lâchés entravés, Mehaktar prépare le chai en chantant la mélopée du thé, cuisine les légumes et fait les chapatis à feu nourri. Avec presque rien au milieu ou au bord de presque nulle part, écrasé de chaleur, abrasé par le vent brûlant qui soulève le sable, ébloui par le rideau dansant des mirages de vapeurs d’eau, la seule envie est juste que ça dure ad vitam aeternam.

La méharée repart cependant, traverse un village d’éleveurs fait de maisons de torchis, croise quelque antilopes au loin, et, au moment où à l’est apparaît la lune, arrive à l’erg où le campement sera posé au sommet d’une dune. C’est tout à la fois grandiose et intimidant, voluptueux et anachorétique, et le rite d’installation participe à l’atmosphère vibrante de l’heure bleue. Le coucher de soleil est étouffé, mais les contes chantés de Mehaktar racontent à la nuit enveloppante et jusqu’aux premières étoiles, l’histoire de Leyla, fille de maharaja adulée, qui choisit d’épouser un ascète.

Desert Du TharSe coucher sur le sable, au ras du souffle de la dune, et, entre le coucher de lune et le lever du soleil, quand la température chute soudain, que le firmament se révèle éclaboussé dans son entier, que « les étoiles sont belles, à cause d’une fleur que l’on ne voit pas »*, que la couverture offre un abri chaleureux, s’endormir enfin comme un petit prince.

Merci à Lionel, ex punk, ancien para, entrain de vivre pour lui-même et futur résident nomade indien, d’avoir partagé délicatement et en silence la voie lactée de cette nuit là.

Desert Du Thar

*Le petit prince – Antoine de Saint-Exupéry – Châpitre XXIV