Plus qu’une ville, Tokyo est un patchwork, une espèce de puzzle, un jeu de patience dont chaque quartier est une pièce disparate, décousue, surchargée ou dépouillée, chamarré ou austère, comme un contraste uniforme, un oxymore.
- A Ueno la joyeuse nostalgie du zoo, du Musée National et des temples shinto,
- à Harajuku, Rue Takeshita, une sage débauche de modes tendances,
- à Shibuya son minuscule monument canin et son célèbre et turbulent carrefour bien discipliné,
- à Odaïba sa nature artificielle, la banale étrangeté de sa statue de la liberté et une démesure déserte,
- à Asakusa ses excentriques ascétismes bouddhistes,
- à Chiyoda le calme opulent des jardins du palais impérial,
- à Ginza la luxueuse sobriété des marques haut de gamme.
Tout est salement nickel (alors qu’il n’y a quasiment pas de poubelles), et partout l’occidental est face à une claire confusion.
Il y a les arbres à souhaits, les parapluies tous transparents, les consignes à parapluies des musées, les distributeurs de boissons et leurs eaux sucrées, les plats en plastique des vitrines de restaurant, les serveuses qui s’agenouillent pour prendre la commande, les vendeurs qui s’excusent en chœur, les lampions et lanternes de papier, les processions bruyantes et les chars des matsuri, les kimonos et obis fleuris au milieu des costumes cravates forcément noirs, la fausse ingénuité des écolières en uniforme individualisé, les torii rouges, des promeneuses de chiens dans des landaus, les zones à tsunami et les typhons qui arrêtent les trains… Il y a l’amabilité, la serviabilité et les politesses, le kitsch et les apparences.
Tokyo est un inventaire antinomique déconcertant, un agrégat de touts et de riens, une espèce de vide quantique (celui là même qui est plein), un réservoir d’énergie potentielle, une collision élastique, un plongeon au ralenti dans un vortex culturel : plus le temps coule et plus le différentiel est sans fond.
Bravo pour « oxymore », pas toujours si facile à caser, et aussitôt illustré quelques lignes plus bas par la « claire confusion ». Pas mal non plus pour le « touts » (avec un s…), peut-être un peu précieux, mais il fallait oser tout (sans s) de même. Quant (c’est le cas de le dire) au « vide quantique » il me laisse plein d’admiration per(e)plexe
aussitôt illustré par:
« la joyeuse nostalgie »
« une sage débauche »
« son minuscule monument »
« nature artificielle »
« turbulent carrefour bien discipliné »
« salement nickel »
@JF et Simbad Merci messieurs d’avoir relevé qu’écrire c’est un peu de boulot…
La liste n’étant pas complète, le concours de repérage des oxymores dans ce texte reste ouvert aux autres amateurs. 🙂
Des mois et des mois que je vois tes sublimes clichés grâce à la #BattlePhoto et je ne suis encore jamais venue te rendre visite sur ton blog. Honte à moi ! Le Japon est une terre qui m’attire, je ne sais pas, ce mélange d’ultra-modernité combinée à des traditions encore très vivaces. Cette terre de contrastes a quelque chose de fascinant. Ton article me donne encore plus envie d’y aller, un jour. Merci.