Bolivie - UyuniDans le bus qui va de Potosi à Uyuni, il y a ce colporteur qui baratine, illustrations à l’appui, pour fourguer un liquide coloré sensé améliorer la digestion (ou lutter contre le cancer du colon ?) et qui se fera déposer au milieu de nulle part affaires faites. Après une demi journée de kilomètres de sommets dégarnis, de troupeaux épars d’alpagas et de vigognes, l’autocar arrive à Uyuni, en plein milieu d’un bruyant concours de fanfares municipales (sport national) qui paradent tout instruments dehors.

Hors ce tintouin, c’est le far west. Ce patelin, quasi fantôme, n’existe plus que comme base de départ vers le désert de sel (80 agences environ en rang serré) et propose comme curiosité locale, au bout de rails en cul de sac, un cimetière de vieux trains qui cadre absolument dans le décor (quoique noyé dans une plaine de sacs plastique “qui sera nettoyée avant le passage du Paris-Dakar” −le rallye, qui doit passer par là trois mois plus tard, est attendu comme le messie, avec impatience et vives espérances)

Bolivie - Uyuni / Fanfare municipaleBolivie - Uyuni / RueBolivie - Uyuni / Cimetière de vieux trains

Le 4×4 s’élance vers le salar d’Uyuni, l’Altiplano, la province de Sud-Lípez et sa Réserve nationale de faune andine Eduardo Avaroa, le Sol de Mañana et toutes les autres merveilles décrites comme spectaculaires dans tout les guides sur la Bolivie. Quatre jours de pistes tout terrain jusqu’à la barrière solitaire et perdue qui marque le poste frontière avec le Chili, colonisateur de littoral, jusqu’à rejoindre la route goudronnée qui descend sur San Perdo de Acatama,

… Et c’est quatre jours plus stupéfiants, excessifs, intempérants, que tout ce qui a été écrit dans les livres; un de ces coins du monde qui rappelle la nécessité du voyage, sa substance tangible, son définitif mérite physique, charnel, sa puissance élémentaire.

Bolvie - Salar d'UyuniBolivie - Sud-Lípez / LaguneBolivie - Désert Siloli / Arbre de pierre

Dans l’aveuglant désert de sel, sur cette écume solidifiée, craquelée à perte de vue, chaque âme qui vit est le centre d’un monde orbe, intact, éperdument gyroscopique, le poids d’un pendule de Foucault céleste, qui en tournant sur lui même ne peut que constater, comme une vigie en pleine mer d’huile, tout repère et perspective perdus, que la terre est définitivement ronde jusqu’au bout de ses horizons.

Dans le désert de Siloli, sur fond de majestueux volcans, les lacs salés et lagunes irisées disputent aux plaines sans fin des couleurs cosmiques qui figent n’importe quel être dans un tableau impressionniste ou surréaliste; chaque lumière du jour recrée un nouveau monde, le vent abrase et pigmente les terres et sculpte les éléments, pierres et glaces. A 5000 mètres le sol fulmine toute son énergie créatrice en jets de vapeur de soufre, 800 mètres plus bas des thermes naturels d’eau à 30 degrés offrent des bains aux airs galactiques.

Bolivie - Sud Lipez / Geyser Sol De MananaBolivie - AltiplanoBolivie - Volcan Licancabur - Laguna Verde

Tout est ambivalence des sens, des pleins de riens pour une intense sur-stimulation, les immensités chauves sont fleuries de scintillements magnifiques, les étendues vides sont des silences habités. Disséminés partout, des chinchillas, des flamands, des lamas, et des hommes aussi; ici, des paludiers récoltent, à la pioche, l’or blanc qui ira se faire ioder ailleurs, là, des agriculteurs isolés cultivent le quinoa de manière périlleusement extensive. Et toute cette ample région n’est riche que de tout ça (…et, pernicieusement, du très convoité lithium présent en forte concentration dans les saumures de bassins creusés dans le salar).

Bolivie - Chili / Poste frontière de Hito Cajón