Cargo CompasVoyager réordonne ses notions d’important et de grave et renvoie beaucoup de son quotidien dans le presque insignifiant. Ça c’est la (belle?) théorie, l’abstraction qui vante le voyage comme un révélateur du monde et de soi. La réalité est plus insidieuse; le voyage détraque et créé des hiatus et des coquilles, dignes de Brazil, aux effets absurdes ou sans issue, intimes et dérisoires, sévères. Avoir croisé d’autres vies éloignées de la sienne n’amène que des questions improductives, à match systématiquement nul.

En chemin les choses les plus élémentaires ont changé de substance, les essentiels « invisibles pour les yeux » ont quelque peu saturé le cœur, des sentiments se sont vivifiés, des attachements sont tombés en déliquescence. Car même s’il ne part pas innocent, le voyageur revient coupable du luxe ostentatoire de ne s’être impliqué dans rien, ni ici, ni ailleurs, et d’avoir été là-bas, et de rester là, ébranlé par tout (et n’importe quoi). Le voilà condamné à trier ses perturbations enfermé dans ses nuages d’interrogations; c’est une tempête sous un crâne.**

Le voyage ne grandit pas celui qui le pratique, par contre il fait paraître son environnement rétrécit proportionnellement à l’étendue de son univers connu. Au retour il ressemble à un homme de Vitruve encerclé dans sa sphère et qui gesticule contre des moulins à vent, incapable de traverser le miroir.

Si seulement la réponse pouvait se limiter à 42*…

*Le Guide du voyageur galactique – Douglas Adams
où 42 est la réponse à la grande question sur la vie, l’univers et le reste

**Titre du 3eme chapître des Misérables – Victor Hugo