L’Islande, mi-mai c’est un cadeau, inattendu;  4 jours de solitude vierge au milieu d’espaces bruts, une espèce de va voir là-bas si j’y suis, un trait de génie nordique.

Le temps à l’aéroport en travaux de Reykjavík est gris cendré comme de la mine de plomb. Ce n’est pas la saison des aurores boréales, ni des macareux, ni des baleines, ni même du soleil de minuit, il fait froid, il pleut, il grêle, il vente, terriblement, sans cesse. Ne reste qu’à conduire, des centaines de kilomètres sans un panneau de pub, d’un lieu au nom imprononçable à un site indicible, quelque fois jusqu’à finir hypnotisé par les poteaux jaunes fluorescents plantés tous les 50 mètres le long des routes, le tout en essayant de ne pas s’arrêter béat chaque quart d’heure puisqu’il faut aussi avancer.

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On dirait que chaque virage fait un concours avec le suivant, c’est une surenchère de magnificences abruptes. Sans ambages les couleurs terraquées se disputent le terrain mieux que les plus beaux des chefs-d’œuvre. D’une heure à l’autre des lavis, des pastels à l’huile, onctueux, estompés, défilent à en faire abandonner leurs pinceaux aux meilleurs artistes, suivis de plages de sable noir que ne renierait pas Pierre Soulage, puis de glaciers spatiaux aux bleus jamais imaginés même par les surréalistes. C’est une galerie tellurique vivante à ciel ouvert où le fond d’œil des volcans est irisé, les lagons sont sulfureux et les sommets blancs fondants.

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Entre 2 orages givrés, c’est l’automne au printemps, une idée de la création et de la fin du monde, l’atmosphère est aux confins du fantastique soutenue par des perspectives élancées qu’aucun arbre n’interrompt jamais. Il y a de l’eau partout, ça flotte, ça suinte, ça cascade, ça détrempe. Météo de fous, paysages de dingues, cette île est démente et alors que tout est excessif tout est quand même à sa place, rien à ajouter ni non plus retirer*.

L’Islande réveille des instincts de survie primitifs, et, au chaud dans l’habitacle de la voiture, une envie de revenir à un état rustique et sauvage, de tourner le dos à la civilisation et de s’enfoncer jusqu’à la panne d’essence dans cette nature pourtant si peu tendre. de courir, respirer, mordre et rugir, de croire à la liberté même si c’est épuisant.

Islande - Péninsule de Dyrhólaey

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*« Il semble que la perfection soit atteinte, non quand il n’y a plus rien à ajouter mais quand il n’y a plus rien à retrancher » Saint-Exupéry -Terre des hommes , chapitre III