Tout le monde vous avertit avant de partir : rendre visite à Florence c’est risquer d’être séduit par sa débauche d’atours jusqu’à tomber en pâmoison quasi extatique. On est donc prié de se préparer à lui présenter ses hommages et lui témoigner de la déférence. Dont acte… et heureusement parce que Florence en impose, ne se refuse rien, rivalise de parures et d’ornements, joue de ses proportions, s’adonne corps et âme à resplendir et use de tous les stratagèmes pour aguicher, éblouir et captiver. Y a donc intérêt à être paré et à ne pas être rebuté par l’opulence.

Le cœur de Florence : le Duomo

Le Duomo (sa cathédrale Santa Maria del Fiore, son campanile, son baptistère) c’est le passage obligé, le vestibule où déjà se perdre avant même d’accéder à toutes les autres splendeurs promises par la belle. Pour embrasser Florence, la moindre des choses est de commencer par gravir les 414 marches de la tour. En guise de remerciements pour l’effort elle en met plein la vue. La coupole de Brunelleschi, posée en son sein comme une mouche coquette, visible de partout, dévie tous les regards. Avant de conclure que Florence est aimable force est de constater qu’elle est sinon superbe au moins troublante. Il faut profiter du calme des hauts (463 marches pour atteindre le sommet du dôme) puisque une fois retourné au sol on passera le reste du séjour à se dévisser la tête en l’air.

Florence : Piazza del DuomoFlorence : Vue du sommet du DuomoFlorence : Nef de la Cathédrale Santa Maria del Fiore.Florence : fresques du jugement dernier, coupole de la Cathédrale Santa Maria del Fiore

La prodigalité de Florence

Car Florence à la manie des palais gigantesques, des architectures tourmentées, des plafonds peints, des sculptures classiques monumentales, des marbres, des bleus et ors à ciel ouvert. Pas un coin de rue sans son sanctuaire, son chapiteau, son oratoire votif, de préférence polychrome, pas une place sans sa statuaire équestre, anthropomorphe, mythologique, biblique, pas une porte, un portail, sans ses caissons de bois ou de bronze, haut-relief, relief, bas-relief ou relief schiacciato, pas une colonne qui soit à minima torsadée, pas une façade sans le blason à boules des Médicis, pas une terrasse sans ses arcades… et partout, des parvis aux frontons, cette injonction cabalistique : O₽A*.

Tout est tellement foisonnant, riche, substantiel, qu’on ne sait finalement plus quoi regarder de l’ensemble ou du détail, ni jamais décider si l’un déchargera ou accablera l’autre, ni s’il vaut mieux prendre du recul ou au contraire s’approcher encore. On s’y déplace en l’art comme dans les planches d’un wimmelbilderbuch; la moindre découverte d’un heurtoir ou d’un écusson peut prendre des heures à elle toute seule. La synecdoque est reine, le grand angle est de sortie. Florence en fait trop. Coté surabondance de chrétienté, Malte est détrônée. Le judaïsme n’est pas en reste qui a érigé ici à la fin du 19ème une grande synagogue mauresque « digne de la ville ».

Au milieu de ce centre, ou l’inverse, tout petit, essentiellement piéton, il y a, même en cette mi-février, un monde fou (qui passe à dingue dès le printemps et dément tout l’été), par contre il n’y a pas un arbre, surtout pas qui cacherait une forêt (ou alors enchâssé à l’abri dans un cloître).

Florence : Piazza della Signoria vue de l'intérieur du Palazzo VecchioFlorence : Via Dell'AmorinoFlorence : Pharmacie Santa-Maria NovellaFlorence : Détail de la Porte du Paradis, Salomon et la Reine de SabaFlorence: Statue équestre de Ferdinand Ier, piazza Santissima AnnunziataGrande Synagogue de FlorenceFlorence : Statue de Dante devant la Basilique de Santa CroceFlorence : Cloître Basilique San-Lorenzo

La colline de l’oltrarno

L’Arno n’est visible et ne se déclare qu’une fois qu’on est devant lui. Il n’a rien de notable, il ne fait que passer. Il coule impavide et ignorant des trésors culturels qu’il côtoie et traverse et ne s’affole pas plus en s’échappant sous les trois arcs du fameux Ponte Vecchio lourd d’arrière-boutiques aériennes suspendues à ses flancs. Une fois enjambé, il se fait aussi vite oublier qu’il est apparu, au profit, sur la rive gauche, d’une sobriété bienvenue.

Même si c’en est pas fini des joyaux florentins, de ce coté là, les extérieurs se simplifient, les voies s’évasent, les rues se mettent à la pente, les perspectives s’ouvrent, les paysages s’élargissent, des parcs et jardins s’étalent, la balade devient bucolique. Le temps décélère. C’est plaisir de monter jusqu’à la Basilique San Miniato al Monte, sans être sollicité en permanence par toutes sortes d’apprêts, en simplement se retournant sans cesse, avec délectation, sur le panorama libre et ensoleillé.

De tout là-haut, au calme, force est de confirmer que Florence, insolente, ne tolère pas le quelconque et réclame encore de l’admiration.
Florence : L'Arno, la rive gauche et le ponte Vecchio vu du Ponte alle GrazieFlorence : OltrarnoFlorence : Sculptures "Je me souviens " et "Partir" de Jean-Michel Folon au Giardino delle RoseFlorence : Basilique San Miniato al MonteFlorence : Vue de l'esplanade Michel-AngeFlorence : Vue sur l'Arno depuis le Ponte Vecchio par une nuit de pleine lune

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* OPA / O₽A  :  2 significations possibles, l’une n’excluant à priori pas l’autre, qui dépendent de l’endroit où se trouve l’inscription :
1. le symbole ₽ serait la contraction médiévale de PER et donc O₽A signifierait simplement OPERA au sens italien d’une entité créée spécifiquement pour la construction et l’entretien ultérieur d’une église (cf. Opera del Duomo).
2.  OPA serait l’ « acronyme » latin de « Ora Pro Animis » (« Priez pour nos âmes ») ; le O et le A se réfèrent aux lettres grecques oméga et alpha , ou à la fin et au début, en rappel des paroles du Christ « Je suis le début et la fin » et le monogramme chrismon ₽ représente le Christ composé des lettres grecques chi et rho, les 2 premières lettres du nom Χριστός (Kristos = Christ) .