Dalat5Les récits de la belle époque évoquent Dalat comme une ville de montagne romantique, refuge balnéaire où les coloniaux reconstituèrent, autour d’une pièce d’eau artificielle, leur univers métropolitain. Et effectivement, après la route de nuit au milieu des pinèdes, sous une bruine presque normande, au premier réveil, apparaissent à la fenêtre, dans le brouillard, une tour Eiffel, la flèche d’une cathédrale et des bâtiments très Riviera.

Les colons sont partis depuis longtemps en laissant derrière eux cette architecture bourgeoise et un certain art de vivre, et la vie autochtone a repris ses droits.

Dalat est une petite grande ville langoureuse et surannée où si la gare (désaffectée) est une copie conforme de celle de Deauville, le marché central, qui s’enroule autour d’une place ronde enchâssée dans de longs escaliers, est lui tout aussi typiquement vietnamien qu’unique – la région est plus que fertile : c’est toujours l’amoncellement qui prévaut tant de fleurs (des orchidées partout) que de légumes (des avocats monstrueux, des artichauts !) ou de fruits frais (des fraises au milieu des litchis chevelus) ou secs. Dans ces entassements capiteux les marchandes papotent comme des collégiennes et les porteuses de palanches lourdement chargées de tout et n’importe quoi se faufilent et se posent à même le trottoir (peu d’hommes dans ce remue-ménage commerçant).

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Ne serait-ce le défilé de banderoles rouges installées en vue de la fête nationale proche, le lac (et ses inévitables pédalos en forme de cygne), les calèches à touristes (rares en cette saison), le jardin des fleurs au 300 variétés horticoles, la maison folle d’un architecte mi-Gaudi mi-Lewis Caroll, et à quelques kilomètres dans les collines les cascades et chutes d’eau où se retrouvent les locaux le week-end, tout concourt à l’atemporalité, aux souvenirs éternels, à l’oubli romantique, à cette espèce de mélancolie engourdie qui d’une atmosphère fait un idéal « où la vie est grasse et douce à respirer » *. Il ne faisait, exceptionnellement, pas très beau pourtant.

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*Charles Baudelaire : « L’Invitation au voyage »