Au commencement on nous met au monde dans un grand cri libérateur, de ceux que plus tard on ose seulement hurler d’épuisement, après des heures de marche, une fois en haut de montagnes dépeuplées.

VoyagerChaque voyage, c’est comme revenir à cette délivrance, y faire écho dans le vent, sortir de sa coquille et respirer, souffrir de la séparation, exister dans sa chair, ouvrir les yeux, entamer une nouvelle vie à chaque nouvelle première rencontre avec l’autre. Voyager c’est choisir librement, au lieu de venir au monde, d’y aller et d’en être, une espèce de métempsycose, de déploiement de son corps et de libération de son esprit, une re-naissance douce.

Le voyageur est un papillon: il file son cocon en préparant et faisant son sac, devient chrysalide pleine de promesses d’envol et, pendant le trajet, dans le secret protégé de ses pensées, l’intense activité des ses imaginations en route, il opère sa métamorphose, sa nymphose. À l’arrivée, il effectue sa mue imaginale, coupe le cordon, se débarrasse de ses oripeaux et développe ses ailes malhabiles pour s’élancer intensément autour de lui, le temps éphémère de jouir de cette vie là,… jusqu’à la petite mort voluptueuse du retour. Dans la mythologie grecque, le papillon est symbole d’immortalité.

C’est pour toutes ces transmutations, ces régénérations qui ramènent à un état original, ces émotions élémentaires, que voyager est un acte de naissance; chaque premiers pas ailleurs, sur cette terre d’accueil, les premiers échanges dans une langue absconse, redéfinissent un rapport au monde, à la société, et à un autre que soi-même, un univers où il faut réapprendre à être.