La promesse du voyage c’est un nouveau regard, une clairvoyance presque soudaine qui ferait apparaître dans chaque altérité un développement de meilleure qualité. Au tirage çà ressemble plus à une fractale floue pleine de défauts sombres, une accumulation des questions triviales ou sublimes, incongrues, dérangeantes, existentielles, de celles que posent les enfants sur le pourquoi du bleu de la mer et les arcs en ciel, la différence entre espoir et espérance, qui de l’œuf ou la poule, le comment fait-on pour vivre ainsi, les raisons d’une guerre, l’organisation et l’équilibre de l’univers.

Découvrir le monde – selon l’expression consacrée qui laisse accroire que jusque là il se tenait caché – c’est plus que souvent essayer de distinguer dans des clichés obscurs à quoi il ressemble véritablement, n’y plus rien percevoir ou si peu, sans compter les problèmes qu’on ne se posait pas jusque là; aller gaillardement vers l’inconnu, à moins d’être un prophète, c’est l’assurance de s’y empêtrer. La planète c’est le disque de Phaistos en volume: c’est beau, ça veut surement dire quelque chose de passionnant mais c’est indéchiffrable ou intraduisible; y retourner sans cesse ne la fait pas apparaître pas plus claire, nuancée ou contrastée.

Le voyage aide à peine à capter mieux des topiques piqués de mystères inédits; soulever un coin du voile c’est en général tomber sur un nouveau secret. Le voyageur s’enrichi avant tout de charades à tiroirs coulissants; chaque interaction charge les casiers de rébus à en faire grincer les glissières, chaque rencontre soulève son lot d’énigmes, des centaines d’interrogations vous assaillent à chaque exploration, chaque homme reste un phénomène inexpliqué… et chaque moitié de réponse relève de l’interprétation d’un oracle de la Pythie.

On part persuadé qu’il n’y a rien de mieux que la route pour éventer les arcanes de la nature, que des évidences vont surgir d’images latentes au bout du chemin, impressionnées par la lumière, qu’on pourra les suspendre et les laisser se gondoler au fil de sa chambre noire, et on se retrouve comme un gamin éberlué, soufflé devant un spectacle de magie, désarçonné par l’au-delà du visible. On s’en va satisfaire un curiosité et on revient avec milles autres. C’est une chance que « les voyages ouvrent l’esprit » parce que sinon on ne saurait pas où mettre toutes ces surexpositions opaques.