Au débouché du Canal de Suez sur la méditerranée, à Port-Saïd, il ne reste plus que le souvenir paupérisé, corrodé, de l’affluence d’une zone autrefois franche; les architectures coloniales début de siècle comme les immeubles des années soixante luttent en vain mais avec acharnement contre l’érosion des pollutions et l’effritement du temps, les vitrines des trottoirs en arcades sont opaques et délaissés, le souk est mou, la longue plage est triste. Pas de touristes, peu d’estivants locaux, personne qui ne baragouine un mot d’anglais, la ville baigne dans son jus rouillé, engourdie, renfrognée, engluée, comme abandonnée à son marasme économique et à la déconstruction de son rêve. A la terrasse d’un café déglingué, il y a cet homme souriant qui explique aimer la France et son président qui a « donné » 2 Mistral (ceux initialement destinés à la Russie) et 3 Rafale à l’Egypte.

Port-Saïd - Hotel nationalPort Saïd - Ancien pharePort Saïddsc09298_portfouad

L’attrait résistant c’est le Canal de Suez, l’idée c’était de le regarder s’écouler, de le longer, de le franchir, de contempler les cargos à la porte étroite des mers orientales. Mais le canal est sous haute surveillance, la traversée limitée aux ferries (gratuits) qui slaloment incessamment sur les 500m entre les rives de Port-Saïd et Port-Fouad coté « asiatique » en face, son accès restreint aux 2 kms de la promenade surélevée qui le borde sans bancs ni charme, les photos y sont à peine tolérées, et au delà du bâtiment de l’Autorité du Canal ses abords deviennent inaccessibles au quidam. Vu depuis le môle, le ballet des bateaux pilotes, la remontée des porte-conteneurs, les couleurs boisées des barcasses de pêcheurs, l’embarquement populeux les matins et soirs sur les transbordeurs forment ensemble une chorégraphie batelière blasée et mélancolique. Port-Saïd observe, sans en (s)avoir que faire, le monde lui passer au travers.

dsc09323_portsaidCanal de Suez - Port Saïd

Le train jusqu’à Isamïlia, pour peu qu’on y soit tranquille assit à bâbord dans le sens de la marche, offre seul l’occasion d’admirer la voie navigable par des vitres sales: la berge occidentale assez verte, la route déserte qui la borde et ses points de contrôle fréquents, la rive orientale aride, les petites embarcations solitaires sur ce ruban bleu calme et les vraquiers et tankers nonchalants. A l’arrivé, le lac Timsah est, pour un piéton qui ne loge pas au seul hôtel international du coin avec vue, tout aussi inabordable que ses passages nord et sud. Ne reste qu’à se satisfaire de la maison bourgeoise étonnamment entretenue de Ferdinand de Lesseps et de la mosaïque délavée commémorant l’inauguration du canal de Suez il y a un siècle 1/2… et à profiter volontiers avec la population du match olympique de handball Egypte-Brésil retransmis ce soir là sur tous les écrans sortis sur les places arborées.

Canal de SuezCanal de SuezCargo sur le Canal de Suez au pont d'El QantaraIsmaïlia - Maison de Ferdinand de LessepsIsamailia - Monument commémorant l'inauguration du canal de Suez en 1869.